Une recherche de Stanford montre comment les gens se retournent émotionnellement contre leurs groupes en cas d’injustice

Une nouvelle recherche de Stanford permet d’expliquer les dynamiques sociales comme la non-conformité et le rôle que les émotions jouent dans le changement des normes et des comportements sociaux. (Crédit image : armée américaine)

Une nouvelle recherche de Stanford montre que les gens peuvent rejeter les émotions partagées avec un groupe s’ils croient que le groupe devrait se sentir différemment qu’eux – en particulier dans les cas d’injustice.

Ce processus peut expliquer les dynamiques sociales comme la non-conformité tout en éclairant le rôle que les émotions jouent dans le changement des normes et des comportements sociaux, ont déclaré les chercheurs.

« Le concept de non-conformité émotionnelle peut faire progresser les connaissances existantes sur la façon dont les changements sociaux se forment et sont communiqués », a déclaré Amit Goldenberg, auteur principal de l’étude et doctorant en psychologie à Stanford.

Les coauteurs de l’étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology étaient les chercheurs Tamar Saguy et Eran Halperin du Centre interdisciplinaire en Israël.

Goldenberg a déclaré : « Nos résultats suggèrent que la motivation à éprouver des émotions liées au groupe dépend non seulement de la réponse à une situation spécifique, mais aussi des objectifs de l’individu, qui découlent de sa relation avec son groupe. »

Dans l’ensemble, la recherche touche aux heures les plus sombres de l’histoire et au défi héroïque de s’exprimer ou d’agir contre l’injustice, selon Goldenberg.

« Des individus déviants peuvent exister dans presque toutes les sociétés, même dans les plus strictes et impitoyables comme l’Allemagne nazie. Ces membres de groupes déviants servent d’opposition aux opinions de la majorité et peuvent également différer de la majorité dans leur expérience émotionnelle », a déclaré Goldenberg, qui mène des recherches dans le laboratoire de psychophysiologie de Stanford.

Méthodologie

Pour étudier ce phénomène, les chercheurs ont mené cinq études différentes dans lesquelles 431 participants ont répondu à des questionnaires conçus pour susciter leurs réactions émotionnelles de culpabilité ou de colère dans le contexte de l’affiliation à un groupe. La plupart d’entre eux ont été abordés dans un train, et d’autres ont été recrutés sur la plateforme Mechanical Turk d’Amazon.

Par exemple, des Américains blancs ont lu un article de journal sur un bal de fin d’année de lycée « réservé aux Blancs », puis ont été invités à répondre s’ils étaient d’accord avec des questions telles que « Il est important d’exprimer des émotions en réponse à des articles comme celui-ci afin de faire progresser l’égalité » et « Le comportement des Blancs dans l’article me fait sentir coupable. »

Les principaux résultats de la recherche comprennent :

• Plus les gens ont déclaré une position de gauche ou dovish, plus ils ont ressenti une culpabilité basée sur le groupe à la suite du scénario.
• Plus les gens ont déclaré des opinions de droite ou hawkish, plus ils ont déclaré une colère basée sur le groupe à la suite du scénario.
• Lorsque les Blancs n’exprimaient pas de culpabilité « collective » (à l’échelle du groupe) en réponse à l’iniquité morale, les participants compensaient et exprimaient des niveaux plus forts de culpabilité personnelle.
• Toutefois, dans des situations plus ambiguës impliquant une possible injustice, les gens se conformaient à l’émotion collective du groupe.
• Une personne peut avoir des émotions négatives envers le groupe lorsque le groupe ne partage pas ses niveaux élevés de culpabilité.

Dans les recherches antérieures, a dit Goldenberg, l’hypothèse était que lorsqu’un groupe ressent une certaine émotion, un membre du groupe sera conduit à ressentir la même chose.

Cependant, cette recherche récente démontre que ce n’est pas toujours le cas, a-t-il dit.

Transferts émotionnels, fardeaux

Un des mécanismes psychologiques résultant de la non-conformité est le « transfert émotionnel », a dit Goldenberg. Cela se produit lorsque les gens se mettent en colère ou se sentent coupables envers leur propre groupe pour n’avoir pas réagi correctement à une situation – ils ont alors tendance à rediriger leurs émotions de leur groupe vers les étrangers, ou la situation.

Parfois, l’inverse se produit – les gens éprouvent d’abord de la colère envers le groupe extérieur et seulement plus tard intensifient leurs émotions envers leur propre groupe pour ne pas avoir exprimé l’émotion appropriée, a-t-il dit.

Un autre mécanisme derrière la non-conformité est la « charge émotionnelle », selon Goldenberg. Cela se produit lorsque le groupe ne parvient pas à éprouver les émotions appropriées à une situation, et que ses membres semblent assumer la charge de ressentir cette même émotion. Cela peut fournir une explication à l’action collective, selon la recherche.

De plus, les membres du groupe peuvent être disposés à partager des émotions liées au groupe, même si elles sont désagréables, si elles reflètent leurs propres sentiments, selon Goldenberg et ses collègues.

Implications de la déviance

Goldenberg suggère que la recherche est révélatrice de la nature humaine.

« Nous savons déjà depuis Aristote que les gens sont à la fois émotionnels et régulés, spontanés et calculés », a-t-il déclaré dans une interview.

Mais cette double « nature » n’a pas toujours été comprise lorsqu’on pense aux groupes.

« Nous pensons toujours aux groupes comme à des entités spontanées, irrationnelles et émotionnelles qui débordent d’émotions de manière non régulée », a-t-il dit.

Selon lui, la recherche explique comment les groupes sont des entités régulées, pour ainsi dire.

« Nous nous attendons toujours à ce que les gens se conforment aux autres, en particulier lorsque leur groupe se sent moins coupable de certaines situations », a déclaré Goldenberg.

Il a noté : « C’est la base de nombreuses inégalités morales dans l’histoire. »

La conformité est perçue comme l’une des forces les plus puissantes du comportement humain, Goldenberg et les autres ont écrit. Cependant, ce n’est pas la seule force d’influence qui façonne le comportement.

« Nous savons que dans chaque groupe, même dans la plus impitoyable et la plus stricte des sociétés, il existe un sous-groupe déviant qui a des pensées et des émotions différentes de celles du collectif général », a déclaré Goldenberg.

Les sous-groupes peuvent essayer de quitter un groupe ou de changer ses valeurs, ses attitudes et ses comportements.

« Nous voyons souvent que les changements au sein des groupes sont initiés par de petits sous-groupes « déviants » », a déclaré Goldenberg.

Les sous-groupes déviants influencent le comportement de leur groupe en convainquant les autres de penser comme eux, a-t-il ajouté : « Il y a, bien sûr, des effets secondaires bénéfiques comme une identité accrue avec votre propre sous-groupe déviant et un sentiment de supériorité morale. »